L'assemblée générale, seule maîtresse de l'engagement des dépenses et de leur financement
Deux articles créés dans la loi du 10 juillet 1965 par la loi "SRU" fixent les deux modes par lesquels l'assemblée des copropriétaires exerce son monopole de décision d'engagement de dépenses (respectivement les articles 14-1 et 14-2) :
- globalement pour les dépenses courantes par le vote d'un budget prévisionnel, le syndic étant alors autorisé à appeler des provisions trimestrielles par quarts de ce budget, ou selon une périodicité différente : semestriellement et voire annuellement si les sommes sont minimes, ou encore de manière à prendre en compte la saisonnalité des dépenses, par exemple en appelant le budget de chauffage en deux trimestres ; dans tous les cas, la régularisation des provisions appelées par rapport aux dépenses réélles doit intervenir chaque année suite à l'approbation des comptes de l'exercice ;
- au cas par cas et par des votes spécifiques pour les travaux et "opérations exceptionnelles" (un achat de partie privative, une procédure judiciaire, etc.), pour lesquels l'assemblée doit voter à la fois pour un budget et pour un calendrier d'appel de provisions, compatible avec celui du déroulement prévu des travaux et du règlement des factures, les provisions devant être obligatoirement régularisées (ce qui n'était pas toujours le cas auparavant) suite à l'approbation des comptes de l'exercice au cours duquel l'opération a été "clôturée", c'est à dire notamment celui où les travaux ont été terminés et les factures définitives comptabilisées.
Les travaux urgents peuvent faire exception, mais de manière très encadrée, au demeurant par des dispositions d'origine du décret d'application de la loi de 1965 (le décret du 17 mars 1967), et en particulier de son article 37 : le syndic peut, sur seul avis favorable du conseil syndical, appeler un tiers du devis estimatif des travaux, mais il doit convoquer "immédiatement" une assemblée générale pour voter la dépense et se faire autoriser à appeler le reste du budget, autrement dit ne pas appeler la totalité des travaux et attendre l'assemblée annuelle suivante pour les ratifier... La Commission relative à la copropriété rappelle aussi que "les travaux urgents doivent être interprétés restrictivement et ne comprennent que ceux qui sont immédiatement indispensables pour faire cesser une atteinte à l'immeuble ou à sa destination ou pour prévenir une telle atteinte si celle-ci est imminente et d'une façon générale de pourvoir à la sauvegarde de l'immeuble"...
Le décret du 27 mai 2004, modifiant le décret de 1967, a fixé la liste des dépenses qui devaient faire l'objet du second mode : il s'agit des dépenses de travaux qui ne sont pas de simple "maintenance" (en fait tous les travaux qui impliquent le remplacement de composants de l'immeuble ayant atteint la fin de leur durée de vie : pompes, chaudière, mais aussi peintures et ravalement, étanchéité, antenne collective, etc.), ainsi que les études techniques, consultations et diagnostics autres que les "vérifications périodiques imposées par les réglementations en vigueur sur les éléments d'équipement communs" (articles 45 et 45-1).
La loi, qui a ainsi généralisé le principe du financement des dépenses par appels de provisions et régularisation annuelle, a aussi créé une notion d'exigibilité légale des appels de provisions, là ou auparavant il ne pouvait y avoir d'exigibilité que contractuelle : c'est désormais pour les provisions sur budget "le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l'assemblée générale", et pour les provisions sur travaux les dates fixées par l'assemblée générale.
Il est à noter que l'assemblée, qui a ainsi le pouvoir absolu d'autoriser les dépenses, a aussi le devoir de pourvoir à leur financement, en votant des budgets aussi complets que possible : par exemple, pour les charges courantes en prévoyant des budgets pour des réparations prévisibles, même de dégradations, ou pour le recouvrement des impayés, du moins pour la part de ces dépenses qui ne peut être imputée sur les copropriétaires débiteurs, et pour les travaux en incluant dans le budget voté tous les postes prévisibles (maître d'oeuvre, coordonnateur SPS, bureau de contrôle, police "dommages-ouvrage" s'il y a lieu, honoraires du syndic, etc.), mais aussi en ménageant la possibilité d'imprévus...
Egalement, si le syndicat des copropriétaires est confronté à la nécessité de faire face aux frais, souvent importants d'une procédure judiciaire - une mise en jeu de garantie décennale, un "trouble du voisinage" créé par un chantier de construction mitoyen qui ébranle l'immeuble, etc. -, l'assemblée doit voter un budget en tant qu'opération exceptionnelle, et planifier des appels de provision ! Et si la procédure est destinée à durer plusieurs années, il faut alors la découper en étapes de manière à pouvoir régulariser plusieurs "opérations exceptionnelles" successives...
A noter enfin que le calendrier des appels de provision voté par l'assemblée pour les travaux et opérations exceptionnelles doit être respecté scrupuleusement, même si, pour quelque raison que ce soit, l'utilisation des fonds est décalée : en effet, en cas de vente, c'est la date d'exigibilité légale fixée par l'assemblée qui déterminera qui du vendeur ou de l'acquéreur devra payer au syndicat des copropriétaires chaque appel de provision (indépendamment de conventions passées entre eux et qu'ils devront mettre en oeuvre entre eux sans qu'elles soient opposables au syndicat).
Prise en compte de la limitation des imputations "privatives"
S'il est un aspect que la réforme initiée par la loi "SRU" a amené à revisiter, c'est bien celui de la répartition des charges, tel que prévu dès le départ par la loi de 1965 : l'article 10 de la loi, qui prescrit que les charges doivent être réparties en fonction des grilles de tantièmes fournies par le règlement de copropriété, ne souffre en réalité que de deux dérogations possibles, résultant :
- l'une de la clause d'aggravation des charges présente dans presque tous les règlements, et qui permet d'imputer à un copropriétaire le coût d'une réparation pour une dégradation dont il s'est rendu responsable (à condition qu'il y ait faute ou négligence caractérisée, reconnue ou prouvée !) ;
- l'autre de l'article 10-1 de la loi, qui permet dans sa dernière mouture d'imputer "au seul copropriétaire concerné" les frais "nécessaires" exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée" (attention : cela n'inclut pas les frais de relance simple, ni les frais d'assignation et d'avocat...), ainsi que les "honoraires du syndic afférents aux prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot" ; à noter que cet article permet aussi d'exonérer de sa participation aux frais de défense et de procédure du syndicat le "copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge"...
Il en résulte que les conseils syndicaux doivent en particulier cesser d'exiger des syndics qu'ils imputent "privativement", par exemple, des honoraires de gestion de sinistre et des frais de recherche de fuite sous prétexte que la cause s'est trouvée être située dans des locaux privatifs (la clause d'aggravation des charges ne peut être invoquée que s'il peut être établi un défaut caractérisé d'entretien) ; ou bien encore d'imputer au copropriétaire demandeur les frais de l'assemblée générale qu'il faut convoquer pour autoriser des travaux sur les parties communes, alors que ces travaux conditionnent jouissance de son lot conformément à l'usage qu'il leur destine...
Financement des imprévus, et des accidents de la vie de la copropriété
Le décret de 2004 a revisité de fond en comble le principe des sommes que le syndic est en droit d'appeler aux copropriétaires et que la Commission relative à la copropriété (CRC) rappelle opportunément.
Comme auparavant, il permet au syndic sans vote de l'assemblée (mais l'avis favorable du conseil syndical est une sage précaution...) d'appeler la "réserve" prévue au règlement de copropriété ; la CRC met fin à une polémique stérile, créée de toutes pièces par certaine association de consommateurs spécialisée dans la copropriété, en affirmant ce que tout le monde avait deviné, à savoir que cette "réserve" n'était autre que "l'avance de trésorerie permanente" figurant dans la quasi-totalité des règlements de copropriété, et appelée familièrement "fonds de roulement".
Toutefois, alors que les règlements antérieurs à 2004 lui fixent en général un maximum d'un trimestre de budget prévisionnel, le décret la plafonne à 1/6ème, soit en fait deux mois de budget (article 35).
Le réajustement chaque année pour suivre l'évolution du budget peut également être appelé sans vote. Par contre, si la réserve n'est pas prévue au règlement, c'est par un vote de modificatif de règlement qu'il faut la créer, à la double majorité de l'article 26 de la loi (majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix), et il faut publier la décision comme tout modificatif au règlement de copropriété pour la rendre opposable aux futurs nouveaux copropriétaires...
Cette réserve peut toutefois ne pas suffire : prévue pour les simples "imprévus", et accessoirement pour l'irrégularité des dépenses (mais pas pour la saisonnalité de certaines dépenses comme le chauffage pour lesquelles la loi a prévu la possibilité d'aménager la périodicité des appels de provisions), elle ne peut couvrir des "accidents de la vie" de la copropriété comme l'émergence d'un ou plusieurs arriérés de charges lourds de la part de copropriétaires défaillants, ou bien un débit laissé par un ancien syndic, qui n'a pas restitué toute la trésorerie ou qui a engagé des dépenses non autorisées...
Pour ces cas, le décret de 2004 a prévu que l'assemblée puisse (article 45-1) voter "un emprunt du syndicat auprès des copropriétaires". Logique : un besoin de trésorerie, quelles qu'en soient les causes, doit être financé. Or il est interdit au syndic d'avancer des fonds aux syndicats qu'il gère (l'activité de prêt est en effet réglementée), et aucune banque ne prête à un syndicat de copropriétaires, entité transparente et sans aucun patrimoine (les parties communes, si tant est qu'elles aient une valeur vénale, ne lui appartiennent pas, elles sont propriété indivise des copropriétaires !). Du coup, le syndic est bien obligé de se tourner vers sa seule source possible de fonds, à savoir ses membres !
De surcroît, pour être logique, le décret a prévu qu'un emprunt puisse être décidé auprès "de certains d'entre eux" ; c'est encore une évidence, que curieusement ne partage pas - à tort - l'immense majorité des copropriétaires : s'il s'agit d'emprunter pour financer temporairement, le temps que les mesures de recouvrement puissent être mises en oeuvre, le manque de trésorerie causé par des copropriétaires défaillants, il serait absurde de solliciter ces mêmes copropriétaires ! La logique veut qu'à défaut de volontariat, on sollicite au moins ceux qui payent normalement leurs charges...
A noter que, tant concernant la réserve du règlement de copropriété que les "emprunts", les fonds ainsi appelés sont qualifiés d' "avances", et qu'à ce titre, au contraire des "provisions", ils sont récupérables par les copropriétaires qui vendent leurs lots, à charge pour les acquéreurs de les avancer lors de leur entrée dans la copropriété afin de reconstituer le montant global de l'avance appelée par le syndicat.
Financement des travaux futurs
Sauf situations privilégiées, les copropriétés sont progressivement confrontées à une double évolution : d'une part une réduction des moyens des copropriétaires, autant par l'accès à la propriété d'acquéreurs moins aisés que par la réduction du pouvoir d'achat des copropriétaires en place - sans compter que l'accroissement de la mobilité fait que des copropriétaires présents dans un immeuble pour une durée limitée sont moins enclins à voter pour des investissements de long terme -, et d'autre part l'augmentation prévisible des charges de travaux dans les décennies à venir : en raison du vieillissement du gros du parc immobilier construit dans les années 60 à 90, mais aussi du coût croissant des normes de sécurité et de protection de la santé des résidants (ascenseurs, canalisations en plomb) et des investissements rendus nécessaires en vue des économies d'énergie !
Financer ces travaux au coup par coup comme cela se passe dans la quasi-totalité des copropriétés, deviendra de plus en plus problématique... et risqué ! La multiplication des situations de copropriétés en difficulté, où la dégradation du bâti, et par suite la dévalorisation des logements, suit de très près la dégradation financière des comptes du syndicat, est là comme un coup de semonce...
D'où les nombreuses voix qui s'élèvent de tous côtés - associations de consommateurs et fédérations de syndics professionnels entre autres - pour recommander de mettre en place sur une base pluriannuelle la constitution de fonds pour travaux futurs, placés sur des comptes d'épargne défiscalisés, voire même de rendre cette constitution obligatoire !
Le décret de 2004 a ouvert timidement la porte en prévoyant que les assemblées puissent voter des plans pluriannuels de travaux et un échéancier d' "avances" à appeler aux copropriétaires pour le financer. Cette faculté complète utilement celle qu'une loi de 1985 avait créée en imposant à chaque syndic de "soumettre, lors de sa première désignation et au moins tous les trois ans, au vote de l'assemblée générale la décision de constituer des provisions spéciales en vue de faire face aux travaux d'entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d'équipement commun, susceptibles d'être nécessaires dans les trois années à échoir et non encore décidés par l'assemblée générale" (article 18 de la loi). L'assemblée reste souveraine mais cette obligation n'a pas été supprimée. Simplement pour éviter la confusion possible due à l'utilisation du terme "provisions", les rédacteurs du décret de 2004 ont cru bon de préciser qu'il s'agissait en fait d' "avances", donc comme toutes les autres "avances" remboursables aux copropriétaires qui vendent...
Bien entendu, les fonds encaissés par le syndicat à ce titre doivent être isolés de la trésorerie courante et ne pas servir à payer les dépenses telles que l'eau, l'électricité ou les salaires ! Plusieurs types de placement sont possibles : compte à terme, comptes sur livret, fonds communs de placement (à l'exclusion de tout placement risqué). Les seuls comptes défiscalisés sont les livrets A, accessibles aux syndicats des copropriétaires, mais plafonnés pour le moment à 76.500 euros...
Bonne gestion et valeur du mètre carré
Nul doute qu'une gestion rigoureuse prenant en compte en temps utile les besoins de financement des dépenses courantes et longtemps à l'avance ceux des travaux futurs prévisibles - à l'instar de ce que fait la moindre des sociétés immobilières - deviendra, face à la multiplication des copropriétés à problèmes, un élément de valeur non négligeable du patrimoine des copropriétaires, et aussi un constituant de la valeur de revente du mètre carré ! Reste à sensibiliser les acquéreurs, aujourd'hui encore peu conscients de l'importance à accorder dans l'étude d'un achat d'appartement à la qualité de gestion de la copropriété, et à les encourager à acheter dans des copropriétés riches d'avances confortables pour travaux futurs, quitte à solliciter quelque peu leur banquier pour se faire financer une mise de fonds pour reconstitution d'avances (en plus du "fonds de roulement") devenant de moins en moins marginale...
(1) Recommandations de la Commission relative à la copropriété : Recommandation n°8 : relative aux appels de fonds que le syndic peut exiger des copropriétaires
Pour en savoir plus voir notre dossier : Comptes des syndicats des copropriétaires
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