En
2013, les promoteurs ont vendu 79 035 appartements
et 8 686 maisons groupées, soit 87 721
logements neufs, contre 115 285 en 20101. Les
constructeurs de maisons individuelles font état,
de leur côté, de 105 000 maisons
vendues, contre 170 000 en 20102. Le secteur privé
a donc vendu moins de 193 000 logements au cours
de l'année passée, contre plus de
285 000 trois ans plus tôt.
Le
secteur social revendique 117 000 logements financés
en 2013, contre 131 000 en 20103. Toutefois, dans
le langage administratif, " financé
" ne veut pas dire construit. Le chiffre
de 117 000 ne se limite pas non plus à
la seule production de logements neufs : il englobe
la réhabilitation d'un certain nombre de
logements dégradés
Le
parc résidentiel, secteurs privé
et social confondus, s'est donc accru d'environ
300 000 logements en 2013. On est très
loin de l'objectif de 500 000 unités, production
nécessaire pour loger les 260 000 nouveaux
ménages de l'année4 et rattraper
le retard accumulé au cours des années
passées.
Et
2014 ne commence pas mieux, au contraire. Il y
a moins de biens à vendre, l'écoulement
des stocks est plus compliqué et il plane
toujours une menace de hausse des taux d'intérêt,
qui renchérirait le coût des crédits
immobiliers.
Cette
situation, les promoteurs sont les premiers à
la regretter. Il faut tordre le cou à
l'idée reçue selon laquelle ils
entretiendraient la pénurie pour augmenter
les prix. Où serait leur intérêt
? Faire monter les prix revient à désolvabiliser,
et donc à perdre, une partie de la clientèle.
Les promoteurs ont une logique industrielle :
ils doivent produire. En vérité,
les promoteurs ne demandent qu'à construire.
Leur
attribuer l'insuffisance de production de logements
neufs en France, c'est se tromper de cible et
faire preuve d'une méconnaissance de la
réalité du métier. Les vraies
causes de l'insuffisance de construction résidentielle
en France sont à rechercher du côté
des contraintes excessives qui pèsent sur
l'acte de construire.
Qu'il
existe des règles, des normes, c'est normal.
Mais il faut dénoncer les excès
auxquels les promoteurs sont confrontés
dans quasiment chaque nouveau programme.
1.
Le foncier et l'urbanisme
Notre
Pays ne manque pas de foncier. Même dans
les zones tendues, il existe des terrains. La
première difficulté est de les rendre
constructibles, la deuxième provient de
leur prix de cession.
Constructibilité.
Les plans d'urbanisme, la multiplication et l'interprétation
parfois diverse des règles légales
ne facilitent pas la décision de constructibilité.
Les contingences politiques non plus. On ne construira
pas plus sans une forte volonté des élus
locaux. Les lois de décentralisation leur
ont donné des pouvoirs importants en ce
domaine. A juste titre : l'urbanisme doit être
incarné, il doit être de proximité.
Mais
ces lois ont aussi conféré des devoirs
aux élus. Il est anormal que des communes
s'exonèrent de leur obligation de construire
en payant des amendes. A leur encontre, les incitations
et les sanctions doivent être plus fortes,
spécialement en zones tendues. Dans les
cas les plus graves, donnons aux préfets
le droit de se substituer aux maires, comme cela
existe déjà pour le logement social
et surtout mettons en place des incitations pour
les maires bâtisseurs !
Prix
de cession. La deuxième difficulté
provient du prix auquel ces terrains, devenus
constructibles, sont vendus. Le prix dépend
de ce que l'on construira in fine
et de
l'offre des promoteurs, obligés de se livrer
à une féroce concurrence entre eux
s'ils veulent décrocher les précieuses
parcelles, tout simplement indispensables à
la poursuite de leur activité.
L'Etat
et les collectivités locales doivent montrer
l'exemple en arrêtant de faire monter les
enchères sur les terrains, surtout en zone
tendue, et en lançant des consultations
à prix définis. Certaines communes
le font, en proposant du foncier à prix
maîtrisé avec des contreparties sur
les prix de vente pratiqués par les promoteurs.
Heureusement
que ces communes existent ! Car, depuis deux ans,
il est devenu très difficile de trouver
du foncier auprès des propriétaires
particuliers, dissuadés de vendre par la
taxation excessive (et changeante) des plus-values
sur terrains à bâtir. Il est urgent
de revenir à des mesures incitatives pour
convaincre les propriétaires de libérer
le foncier qu'ils possèdent.
2.
Les conditions et les coûts de construction
Quelques
normes ou règles qui alourdissent inutilement
le coût de construction pourraient sûrement
être assouplies, comme celles des places
de stationnement pour toute construction nouvelle
ou celles relatives au handicap.
Stationnement.
L'Ordonnance n° 2013-889 du 3 octobre 2013,
relative au développement de la construction
de logement, autorise de déroger aux obligations
de création d'aires de stationnement lorsque
le projet est situé à moins de 500
mètres d'une gare ou d'une station de transport
public. Il est urgent de mettre en application
cette ordonnance Duflot et d'être moins
intransigeant sur la production de parkings.
Handicap.
L'adaptation de 100% des logements aux normes
handicapés n'a pas eu que des effets bénéfiques.
Pour contenir les coûts de revient, l'agrandissement
des espaces de circulation s'est souvent fait
au détriment des pièces à
vivre. Les difficultés techniques posées
par l'égalité de niveau entre l'intérieur
et les prolongements extérieurs (balcons)
ont souvent été résolues
en
supprimant les balcons. Soyons raisonnables
et courageux : 15% des logements doivent être
adaptés et le reste doit être adaptable
à la demande.
3.
La " concurrence déloyale " entre
secteurs public et privé
Il
existe une pratique, peu connue du public, avec
laquelle il faudrait en finir, celle qui consiste
à faire financer le logement social par
le privé. En effet, il est fréquent
que, pour obtenir un terrain et son permis de
construire, le promoteur soit obligé de
s'engager à revendre à un bailleur
social un certain nombre de logements en dessous
de leur prix de revient.
Pour
ne pas compromettre l'équilibre financier
du programme, le promoteur n'a d'autre choix que
de reporter sa perte sur le prix de vente des
autres logements, ceux vendus aux accédants
à la propriété et aux investisseurs,
constituant ainsi un véritable impôt
de palier supporté par l'acquéreur.
Il est donc indispensable que les organismes HLM
achètent leurs logements au juste prix.
Aujourd'hui,
les promoteurs ne demandent qu'à construire
Encore faut-il qu'on leur en laisse la possibilité.
Beaucoup attendent du nouveau gouvernement de
M Valls qu'il mette enfin en place une politique
propice à la relance de la construction
en France.
Par Emmanuel
Launiau, Président du Directoire d'OGIC
1
Chiffres issus de l'enquête sur la Commercialisation
des Logements Neufs (ECLN) réalisée
régulièrement par le ministère
du Logement.
2
Source : Union des Maisons Françaises.
3
Source : Ministère de l'Egalité
des Territoires et du Logement.
4
Source : INSEE, Projections de ménages
pour la France métropolitaine, à
l'horizon 2030 10 juin 2014
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