A
cet égard, il est en train de se jouer
un épisode décisif des relations
entre les décideurs publics et les représentants
des professions de la transaction et de la gestion,
à la faveur du projet révélé
par Cécile Duflot de faire légiférer
le parlement sur plusieurs grands sujets de politique
du logement. Tous les compartiments du jeu sont
concernés, et le texte, d'ailleurs coproduit
par le ministère du logement et celui de
la justice, promet d'être monumental...
La loi du 6 juillet 1989 relative aux rapports
entre propriétaires et locataires, la loi
du 10 juillet 1965 sur la copropriété,
la loi du 2 janvier 1970 règlementant les
activités de transaction et de gestion
pour le compte de tiers, sans parler du volet
urbanistique. Sur chacun de ces thèmes
majeurs, la situation est surprenante, et assez
inédite: les professionnels font part de
leurs attentes, la ministre du logement dit les
entendre, et fait part d'avis singulièrement
différents, quand ils ne sont pas opposés,
purement et simplement.
Le
ton était donné lors du congrès
annuel de la FNAIM en décembre dernier:
répondant aux propos du Président
Buet, Cécile Duflot a prononcé un
discours en trois parties: "vous êtes
des acteurs respectables et j'acte vos légitimes
desiderata", "voici mes convictions",
"j'arbitrerai en dernier ressort." Dans
la même logique, le gouvernement a réuni
les 19 et 20 février derniers les coprs
intermédiaires, dont les organisations
professionnelles de l'immobilier, leur révélant
ce qui était dans les limbes, et dès
le lendemain, FNAIM et UNIS tenaient conférence
de presse pour développer leur doctrine
sur les questions qui feront l'objet du projet
de loi. Dialogue, mais dialogue de sourds.
Quelques illustrations majeures, histoire de mesurer
la distance entre le gouvernement et la profession,
nous convaincront du travail de conviction restant
à accomplir par les organisations syndicales,
mais aussi peut-être par Plurience, l'association
des majors de l'immobilier, ou encore par les
enseignes les plus significatives du secteur,
qui se piquent désormais de faire leur
propre lobbying. On ne mentionne ici que les intentions
de Mesdames Duflot et Taubira qui ont peu de chances
de recueillir l'assentiment des professionnels
de la transaction et de la gestion, les points
d'accord probable, au demeurant rares, étant
néanmoins évoqués à
la fin du présent éventaire par
souci d'objectivité :
1.
Sur les rapports locatifs, les
sujets de discorde sont nombreux. Le gouvernement
veut rééquilibrer les rapports entre
les parties, et ne fait pas mystère de
considérer que mandataires et bailleurs
sont en position dominante, jusqu'à en
abuser. L'avis de la profession est diamétralement
opposé. Le rapport rendu par les deux hauts-fonctionnaires
missionnés par la ministre du logement
pour évaluer les marges de manoeuvre, pour
intéressant qu'il soit, ne tranche vraiment
pas, et laissera Cécile Duflot seule face
à ses responsabilités. Elle a déjà
annoncé plusieurs dispositions :
-
l'établissement d'un bail-type et d'un
état des lieux-type obligatoires,
-
l'obligation de recourir au même modèle
d'état des lieux à l'entrée
et à la sortie du locataire,
-
l'établissement d'une grille de vétusté
pour l'appréciation des déprédations
locatives,
-
l'introduction dans la loi de sanctions pour les
bailleurs introduisant des clauses illicites dans
le bail,
-
la limitation, au-delà de ce qui existe,
des pièces exigibles par le bailleur de
la part du locataire pour constituer son dossier,
-
l'indication systématique dans le bail
des loyers alentours, puisés dans l'observatoire
également créé par la loi,
ayant servi de référence à
la fixation du loyer exigé,
-
la mention dans le bail du loyer acquitté
par le précédent locataire,
-
l'encadrement des loyers par rapport aux valeurs
moyennes fournies par l'observatoire national
des valeurs locatives
-
la suppression de la possibilité de revaloriser
le loyer en cas de sous-évaluation manifeste,
-
l'instauration d'une action en diminution de prix
en cas de sous-estimation au détriment
du preneur de la superficie du logement loué,
- l'obligation pour les bailleurs de prouver leur
motif de reprise du logement pour convenance personnelle
ou pour vente,
-
la remise en cause de la moitié des honoraires
de location à la charge du locataire,
-
le renforcement de la protection du locataire
dans le cadre des ventes à la découpe,
-
la réduction à un mois du préavis
du locataire en zone tendue,
-
la justification des retenues sur dépôt
de garantie non plus sur devis, mais sur facture,
-
le séquestre du mois de dépôt
de garantie dans un établissement financier
ou à la Caisse des Dépôts
et Consignations,
-
l'instauration d'une pénalité de
10 % du montant du loyer ar mois de retard dans
la restitution du dépôt de garantie,
-
l'obligation pour le bailleur de souscrire à
la garantie des risques locatifs, et l'interdiction
corollaire d'exiger une caution locative.
2.
Sur la copropriété, les
positions semblent également difficiles
à réduire, quand on sait que la
ministre veut:
-
supprimer la possibilité de placer les
fonds collectifs de l'immeuble sur un compte unique
au nom du syndic, et imposer le compte séparé
au nom de la copropriété,
-
forfaitiser les honoraires du syndic professionnel,
en listant de façon limitative et restrictive
les honoraires complémentaires,
-
rendre obligatoire la mise en concurrence de plusieurs
syndics à chaque échéance
de désignation,
-
rendre obligatoire la mise à disposition
des documents justificatifs des appels de charges
largement avant l'assemblée générale,
-
rendre obligatoire l'élaboration par le
syndic d'un budget prévisionnel, ? imposer
un préavis à tout syndic renonçant
délibérément à son
mandat.
3.
Sur la règlementation des mandataires,
agents immobiliers et administrateurs de biens
:
Cécile
Duflot ne cache pas vouloir faire droit aux
demandes de l'opinion et des associations de consommateurs,
qui réclament que les professionnels soient
mieux contrôlés. Elle prévoit
:
-
la création d'un Conseil national de l'entremise
et de la gestion, présidé par un
haut-fonctionnaire et dont la majorité
des sièges de l'instance de gouvernance
sera occupée par des représentants
de l'Etat, ainsi que de commissions régionales
de contrôle tenues par des magistrats, pouvant
prononcer l'interdiction d'exercer et sanctionner
pénalement les professionnels qui n'observent
pas cette interdiction. Les consommateurs seront
représentés dans l'instance nationale
comme dans les commissions régionales,
-
l'obligation de mentionner dans le mandat les
moyens mis en oeuvre pour diffuser une annonce
de vente, ? l'obligation de préciser les
moyens associés au mandat exclusif,
-
la faculté pour le vendeur de rompre l'exclusivité
en cas de manquement du mandataire à ses
engagements,
-
la limitation de l'indemnité due par le
vendeur dans le cadre du mandat exclusif en cas
de vente directe sans le concours du mandataire,
-
l'interdiction de reconduction tacite du mandat
exclusif,
-
l'obligation d'indiquer dans les annonces de vente
le montant en valeur absolue des honoraires et
leur imputation,
-
la limitation des honoraires de transaction,
-
l'ouverture aux associations de consommateurs
des futures actions de groupe. En revanche, certaines
dispositions prévues conviendront sans
doute largement à la profession. Parmi
elles :
-
l'obligation d'aptitude à l'entrée
dans la profession pour les salariés et
les agents commerciaux,
-
l'obligation de formation continue pour les agents
immobiliers et les administrateurs de biens, leurs
salariés et les agents commerciaux mandataires,
-
l'obligation d'une assurance en responsabilité
civile professionnelle pour les agents commerciaux,
? l'édiction d'un code de déontologie,
-
l'introduction dans la loi de la mission des garants,
aujourd'hui stipulée par décret,
-
l'interdiction de l'activité de vente de
listes de biens à vendre ou à louer,
-
le renforcement de la prévention des expulsions
et de la sécurisation du bailleur, notamment
grâce à une garantie des risques
locatifs,
-
l'impossibilité de donner mandat de gestion
à un syndic professionnel pour une durée
inférieure à deux ans, avec un maximum
de quatre ans,
-
un train de dispositions relatives à la
prévention et au traitement des copropriétés
en difficulté.
Par
Henry
Buzy-Cazaux, président de l'Institut
du Management des Services Immobiliers (IMSI)
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