Ça
y est, le plus dur est fait pour la ministre de
l'égalité des territoires et du
logement. Le projet de loi ALUR a été
voté en deuxième lecture par le
Sénat vendredi en fin de journée,
après que l'Assemblée Nationale
l'a elle-même voté il y a dix jours.
Cette dernière étape n'avait pas
le statut de formalité aux yeux de Cécile
Duflot : trouver la majorité n'est pas
facile au Sénat, où le bloc de gauche
est plus éclaté et où les
centristes sont plus forts qu'à l'Assemblée,
et un rejet du texte n'était pas à
exclure. Deux sujets auraient pu fâcher
: le PLU intercommunal, que les maires, très
présents au Sénat, accueillaient
fraîchement, et la GUL, la fameuse GUL.
Le projet est passé avec douze voix d'avance
!
Ainsi
donc, la GUL va naître, et moi, je trouve
que c'est un bel enfant, au traits bien éloignés
du monstre que les assureurs et les courtiers
craignaient à l'origine.
C'est
d'abord un enfant sociable, qui va devoir vivre
avec ses pairs : la garantie universelle des loyers
est une garantie socle minimum gratuite pour les
bailleurs et les locataires, qui pourra être
complétée d'options commercialisées
par les acteurs privés de l'assurance,
qui n'empêchera pas la vente des couvertures
existant sur le marché - les garanties
contre les loyers impayés ou GLI -, et
même qui ne rendra pas impossible le recours
à la caution personne physique.
C'est
ensuite un enfant qui ne va pas coûter si
cher qu'on le redoutait, parce que l'ingénierie
de son financement l'empêchera : le choix
a été fait de solliciter le budget
du logement et Action Logement, pour réunir
les quelques centaines de millions nécessaires,
et les temps futurs ne permettront pas d'accentuer
l'effort si les sinistres venaient à déraper
et si le recouvrement se faisait mal. Ni les fonds
publics ni ceux des entreprises, qui constituent
le trésor de guerre du 1% logement, ne
suivront. Du coup, que se passera-t-il ? Les deux
curseurs sur lesquels on pourra jouer seront les
garanties et le renforcement des procédures
de recouvrement. Il faut ajouter que la GUL va
être pilotée par une agence publique,
en cours de construction, conçue de façon
responsable : une quarantaine de personnes, loin
des 300 dont on avait parlé, et avec en
mains l'arme du trésor public pour recouvrer
les dettes. Il faut ajouter enfin que les administrateurs
de biens, comme les assureurs et les courtiers,
vont pouvoir être agréés pour
gérer les dossiers de GUL, devenant en
quelque sorte des auxiliaires de l'Etat, et pouvant
d'ailleurs sans doute se faire rémunérer
pour cette mission.
C'est
enfin un enfant généreux, qui va
prêter ses jouets de promotion. En effet,
alors que le monde des assureurs et courtiers
spécialisés a eu peur de perdre
son apanage, voilà que la GUL le lui élargit
! Regardez plutôt : on parle du risque d'impayés
locatifs tous les jours, partout, alors que l'essentiel
de la communauté immobilière préférait
le passer sous silence. Le résultat ? Moins
de 15% des baux en cours couverts par un dispositif,
semi-public - la GRL - ou privé, 35 ans
après l'invention des premiers produits
en la matière. Bref, un échec cuisant,
imputable à une très faible publicité.
L'Etat offre aux acteurs une campagne de publicité
gracieuse depuis un an.
De
plus, un amendement introduit par les députés
rend obligatoire dans les contrats de bail la
mention de l'existence de la GUL et l'option d'y
recourir (les parties devront cocher une case
pour renoncer à la couverture, qui sera
de droit). En clair, tous ceux, bailleurs qui
autogèrent ou agents immobiliers et gestionnaires
mandataires, devront se poser la question de la
prise en compte du risque d'impayé. Ce
sera l'occasion de proposer des garanties additionnelles,
qui seront appréciées : la GUL ne
couvrira que 18 mois d'impayés, avec une
franchise d'un mois, et ignorera les dégradations
locatives et les frais de contentieux. Qui plus
est, les loyers ne seront remboursés qu'à
hauteur du loyer médian de référence
calculé à partir des observatoires
locaux.
Quant
aux assurances privées, il se trouvera
des propriétaires pour estimer qu'elles
sont et plus simples et plus protectrices. Le
marché n'est pas mort : il a aujourd'hui
une occasion rêvée de se déployer,
alors qu'il manque notoirement de dynamisme et
croit à la vitesse de l'escargot. Enfin,
les débats ont fait apparaître l'obsolescence
de la caution, qui continue de vivre, mais d'une
vie végétative après les
coups que la communauté immobilière
elle-même a fini par lui asséner
: pour des raisons constitutionnelles, le gouvernement
et le parlement n'ont pas supprimé la caution,
mais il a été dit par tous qu'elle
était archaïque et inefficace. Les
locataires ont de plus en plus de mal à
l'obtenir, et elle est difficile à actionner
en cas de sinistre. Bref, je crois que la caution
va mourir, je la crois même en mort clinique...
Encore une victoire pour les assureurs, et bien
sûr pour la GUL.
Au
fond, il me semble que l'épineux et crucial
dossier de la GUL a été bien mené
par les parties prenantes: l'Etat, sans chanceler
sur ses objectifs, n'est pas resté sourd
aux objections des professionnels, et les plus
malins et les plus visionnaires des professionnels
ont compris quelle chance la GUL constituaient
pour eux. Un bon exemple de coproduction.
Par
Henry
Buzy-Cazaux, président de l'Institut
du Management des Services Immobiliers (IMSI)
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