De
prime abord, la mesure semble puissante et heureuse.
Le bénéfice annoncé est d'ailleurs
une augmentation du nombre de logements construits,
mais aussi une baisse du prix de ces derniers.
Pourtant,
une analyse rapide fait passer de l'enthousiasme à
la déception, et les commentaires professionnels
sont unanimes. Pourquoi ? Le dispositif, pour habile
qu'il semble, souffre de quatre faiblesses de taille,
qui compromettent ses chances de succès.
Le
premier problème tient au droit. Ce relèvement
du COS est imposé, mais les maires pourront faire
voter en conseil municipal une délibération
pour s'en affranchir, et je pense que nombre d'entre
eux le feront. Si les élus d'une commune ont
élaboré un Plan Local d'Urbanisme (PLU)
après de multiples réunions de concertation
sur le niveau de densité, en toute conscience,
pourquoi reviendraient-il dessus?
Le
second handicap de la mesure attrait aux mentalités.
Incontestablement, les villes françaises et leurs
banlieues méritent d'être densifiées,
et la France est un pays dont les espaces sont loin
d'être optimisés. Pour autant, l'opinion
est spontanément réfractaire à
la densification, surtout lorsqu'elle l'assimile à
la hauteur des immeubles et au préjudice esthétique
de son voisinage. La conversion de l'opinion passera
par une éducation, notamment architecturale.
En attendant, il y a fort à parier que les administrés
tenteront de dissuader leurs élus d'accepter
la majoration des COS.
Bien
qu'applicable dans l'ancien, où maisons individuelles
et immeubles pourront être surélevés,
la mesure ne sera pas forcément mise à
profit. Combien de propriétaires ont des besoins
tellement plus importants qu'à l'achat pour vouloir
engager de couteux travaux afin d'ajouter un étage
à leur maison ? Quant aux copropriétés,
dans lesquelles ce type de décision est collective
et nécessite l'unanimité, il semble peu
probable qu'elles décident comme un seul homme
de surélever leur immeuble. Il y aura toujours
un copropriétaire qui votera contre le projet,
s'il ne fait pas déjà l'objet d'un recours
de la part du voisinage, dont la vue pourrait être
modifiée.
Enfin,
le Président de la République considère
que l'accroissement du COS va faire baisser les prix,
dès lors que les logements proposés seront
plus nombreux sur un même terrain. Faux à
court et moyen terme, car c'est la loi du marché
qui va parler en premier lieu. Le prix d'un terrain
à bâtir est fonction de ce qui pourra être
construit dessus. 30% de surfaces constructibles en
plus ne conduira qu'à une majoration de 30% du
prix du foncier, notamment dans les régions où
le déficit de l'habitat ne fait que s'aggraver
depuis plus de 50 ans. Il faudra attendre des décennies
et un accroissement important du rythme de construction
pour espérer résorber la pénurie
chronique de logements et conduire à une baisse
des prix. Dans lhabitat individuel ancien, la
logique est comparable : une maison agrandie vaudra
plus cher et pourrait devenir moins accessible au moment
de sa revente.
On
le voit : la mesure, pour estimable qu'elle soit, ne
sera pas efficace. Dès lors, il va falloir au
Gouvernement en trouver d'autres.
Il
faut remédier à la rareté de foncier
à prix modéré. Pour ce faire, deux
voies sont à emprunter : celle du public et celle
du privé. L'Etat est un grand propriétaire
foncier et, dans la seule région capitale, on
dénombre 400 terrains lui appartenant. La politique
immobilière de cession doit aller à marches
forcées, et favoriser l'action relative à
la vente des terrains. Qu'un contrat soit passé
entre l'Etat propriétaire, les promoteurs et
les organismes HLM ! Par la signature d'un pacte qui
les engage, les promoteurs devront construire des logements
en accession à des prix maîtrisés
et les bailleurs sociaux s'engageront à des constructions
neuves à loyer encadrés.
Enfin,
on a commis une lourde faute l'été dernier,
en alourdissant la taxation des plus-values de cession
sur les biens hors résidences principales, encourageant
la rétention, notamment celle des terrains à
bâtir. Il est urgent d'appliquer aux propriétaires
de foncier le régime inverse : celui qui cèdera
rapidement son terrain sera exonéré d'impôt
sur la plus-value, lequel au contraire apparaîtra
et s'alourdira avec les années de conservation.
Cette disposition fiscale aura pour effet un afflux
de terrains à la vente, donc de logements, et
ce mouvement tempèrera de fait les prix sur le
long terme.
Dans
cette période charnière au plan politique,
je ne sais si mon propos s'adresse au Président
ou aux candidats. Il serait fâcheux néanmoins,
étant donné les attentes du moment, que
le Parlement ne s'en saisisse pas avant la suspension
de ses travaux le mois prochain. Pour les Français,
dont les besoins en logements sont déconnectés
des échéances politiques, construire plus
n'est pas un slogan de campagne mais un enjeu vital,
notamment pour la cohésion de notre société.
Par
Marc Gedoux, Président de Pierre
Etoile
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