Il
faut rappeler que l'avantage en question a été
inspiré en 2008 par le député
François Scellier, alors que le pays entrait
dans une crise économique sans précédent,
et que le secteur immobilier comptait parmi les
plus éprouvés. Sauver l'activité
immobilière, les entreprises du bâtiment
et les emplois était l'urgente priorité,
et le plan de relance du gouvernement n'a pas
lésiné. Le résultat a été
un dispositif puissant, dont les performances
ont atteint 55 000 opérations d'investissement
locatif dès 2009, et jusqu'à 73
000 unités en 2011. La recette était
simple : une réduction d'impôt en
pourcentage du prix du logement, conditionnée
à des plafonds de loyers proches des prix
du marché, assortis, à compter de
2011, de conditions de revenus des locataires
rendant éligible près de 90% de
la population.
Pendant
la campagne présidentielle, le message
du candidat Hollande a été clair
: un avantage en terme d'investissement locatif
serait maintenu, mais dans un cadre social, avec
un plafonnement de la niche fiscale établi
à 10 000 € par foyer. Cécile
Duflot a mis en musique cette promesse. La plupart
des commentateurs, notamment professionnels, mettent
en exergue que le nouveau dispositif est assorti
de toutes les contraintes du monde, et qu'il en
perd tout attrait pour l'investisseur. Cette thèse
est pour moi infondée.
Si
l'on compare les préceptes du Duflot à
ceux du Scellier, il est certain que les critères
d'éligibilité - codifiés
dans le décret du 29 décembre 2012
- se rapprochent de ceux du feu Scellier dit "
intermédiaire ", un Scellier à
vocation plus sociale. Pour le reste, le nouveau
dispositif permet, au même titre que son
prédécesseur, la production d'un
parc locatif accessible aux ménages des
classes moyennes, tout en venant corriger ses
défauts. On tentera ici de préciser
en quoi il apporte effectivement d'utiles réajustements.
Le
mécanisme général est peu
ou prou conforme au Scellier, avec une réduction
d'impôt de 18% étalée sur
9 ans, un investissement annuel maximum de 300
000 €, et un prix du logement plafonné
à 5 500 € du m². Il propose néanmoins
deux améliorations majeures. En premier
lieu, le précédent taux de réduction
n'était que de 13%, contre 18% actuellement.
Ensuite, l'investisseur ne pouvait réaliser
qu'un seul achat par an, alors qu'il peut désormais
en accomplir deux.
L'obligation
imposant au promoteur une proportion de logements
en accession est une grande nouveauté règlementaire.
Dans un souci de mixité sociale, au
sein d'un même immeuble de plus de 5 appartements,
seule une part limitée des logements peut
bénéficier du dispositif (fixée
par décret, dans la limite de 80%). Cette
limitation du nombre de logements locatifs est
une mesure de bon sens
même si elle
n'évitera pas les dérives que l'on
constate souvent dans les résidences "
100% investisseurs". En effet, plus l'on
s'approche de la date de fin d'un dispositif d'incitation
fiscale, plus l'entretien du patrimoine laisse
à désirer. On assiste alors à
des ventes simultanées de nombreux logements,
ce qui a pour effet d'en diminuer la valeur moyenne.
Dans tous les cas, c'est l'investisseur qui est
pénalisé. En fait, cette mesure
ne va pas sans poser de problème au niveau
du contrôle de son application : pénaliser
le promoteur est assez aisé, mais comment
imposer une sanction à un acquéreur
qui, lors de la réservation, déclare
vouloir occuper son futur logement et qui décide
2 ans plus tard, au moment de sa livraison, de
le louer sous le régime Duflot?
La
contrainte verte est raisonnable, dans le
sens où les normes retenues sont des normes
auxquelles la quasi-totalité de la production
répond déjà (label BBC Effinergie
RT 2005 pour les programmes initiés avant
2013, et la RT 2012 pour les nouveaux programmes).
Il aurait été intéressant,
comme pour le PTZ+, de booster un peu plus le
dispositif pour les résidences qui feront
l'effort de se labéliser HPE 2012 (Haute
Performance Energétique, avec une amélioration
de 10% par rapport à la RT 2012) et THPE
2012 (Très Haute Performance Energétique,
avec une amélioration de 20% par rapport
à la RT 2012).
Les
plafonds de loyers imposés correspondent
à des loyers réduits de 20% en moyenne
par rapport aux prix du marché, grâce
à l'application d'un loyer mensuel maximum
au m² (entre 16,52 €/m² et 8,59
€/m² selon la zone géographique)
et d'un coefficient de pondération, prenant
en compte la superficie du logement. Cette nouveauté
prend en compte le principe selon lequel les prix
au m² varient avec la taille des logements
(plus élevés sur les petits logements
et plus faibles sur les surfaces plus importantes).
Le loyer d'un studio parisien pourra donc monter
jusqu'à 20 €/m².
C'est évidemment la contrepartie la plus
forte demandée aux investisseurs... en
apparence. Certes, la tentation du propriétaire
de fixer son loyer au plus haut niveau absorbable
est grande, et sur le papier la rentabilité
(calculée grossièrement par le rapport
entre les revenus locatifs et le prix d'achat)
est optimisée par un loyer fixé
à son maximum. Dans les faits, depuis déjà
deux ans, les retards de paiement et les impayés
de loyer vont croissant et les propriétaires
sont conduits, en particulier sur le conseil des
administrateurs de biens, à modérer
les loyers. Dans nombre de marchés de province,
les valeurs locatives ont même été
corrigées à la baisse. Pour le dire
simplement, se placer en-dessous du marché,
c'est minorer le risque d'impayés, le risque
de vacances, le risque de turn-over des locataires
et l'usure des logements.
Par ailleurs, la catégorie de population,
partout en France, en attente de locations dans
le secteur privé est constituée
très majoritairement de ménages
aux revenus intermédiaires. En somme, les
limites de loyer imposé par le dispositif
ne ferment pas la demande, loin de là.
Le
plafonnement de revenus des locataires est corollaire
de la limitation des loyers. Il évite
que des ménages aisés, ayant accès
à des loyers libres, ne profitent des loyers
modérés par le dispositif, écrasant
l'objectif social de la mesure. Les niveaux de
revenus retenus, rapportés aux loyers,
permettent des taux d'efforts corrects - entre
25 et 30% - c'est-à-dire un confort budgétaire
pour les preneurs et une sécurité
financière pour les bailleurs.
Le
zonage du dispositif Duflot sera effectif de droit
dans les zones Abis, A, et B1 du dispositif Scellier,
c'est-à-dire dans les zones à forte
et moyenne demandes locatives. Là encore,
il s'agit de ne pas gaspiller l'aide publique
et de préserver les investisseurs contre
de mauvaises surprises, consécutives à
des achats dans des communes où la demande
locative est faible.
On
voit bien que le Duflot a des arguments pour séduire
les investisseurs, et qu'une grande partie de
son succès va tenir aux discours commerciaux.
En toute objectivité, ce nouvel avantage
est porteur d'atouts, au même titre que
son prédécesseur. Son caractère
complexe ne l'est finalement pas beaucoup plus
que celui du Scellier " intermédiaire
". Il appartient simplement aux professionnels
de l'immobilier de le décoder pour leurs
clients, et de transformer les craintes et les
interrogations en certitudes et en sérénité.
Par
Marc Gedoux, Président de Pierre
Etoile
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