La
promotion immobilière est un métier qui
se paupérise. Il y a deux causes majeures à
l'origine de ce décalage entre le prix des logements
et la solvabilité des ménages, deux causes
qui ont bouleversé la formation des prix: la
multiplication des normes et le quota de logements sociaux
dans les programmes de promotion.
S'agissant
des normes applicables aux logements neufs en matière
de développement durable et de consommation d'énergie
ou encore d'accessibilité aux handicapés,
il n'est pas question d'en mettre en cause le bien-fondé.
Il s'agit simplement de prendre conscience que leur
application a conduit à une augmentation mécanique
du coût de production de l'ordre de 15%! La hausse
des prix qui s'est suivie de l'entrée en vigueur
du BBC est entre 5 et 10%, selon la capacité
des promoteurs à industrialiser les process et
la productivité, et à réduire leur
marge bénéficiaire pour atténuer
la répercussion sur le prix final. Quant aux
aménagements systématiques des logements
pour qu'ils soient habitables par les personnes à
mobilité réduite, ils ont enchéri
les coûts et les prix de 5 %, simplement parce
que les superficies ont dû en être majorées
pour organiser la circulation de façon adaptée.
Enfin, les nouvelles normes sismiques, pour les régions
concernées, on renchérit le coût
de construction de l'ordre de 5% en complexifiant la
structure des ouvrages. Tout cela est un fait parfaitement
établi par les promoteurs, les entreprises et
les maîtres d'oeuvre à ce jour.
D'ailleurs
l'analyse ce cette d'augmentation des prix conduit à
identifier une autre cause, dont on ne parle plus tellement
le fait générateur étant loin dans
les mémoires: l'obligation d'intégrer
dans tous les programmes de promotion une proportion
de 20 à 30% de logements sociaux, conséquence
directe de la loi ENL (Engagement national pour le logement)
de 2006 ayant ellemême imposé un quota
de 20% à toutes les villes (parfois jusqu'à
30%). En effet, les promoteurs doivent désormais
se plier à cette règle sous peine de se
voir refuser le permis de construire.
Que
s'est-il passé?
Tout
simplement un transfert de prix des logements sociaux
cédés à perte aux organismes HLM,
vers les logements privés à l'intérieur
d'un même programme, avec à la clef une
augmentation de l'ordre de 10 à 15% selon la
taille des programmes. On a déshabillé
Pierre pour habiller Paul, et désolvabilisé
les accédants des classes moyennes pour augmenter
le parc locatif social. Ainsi sur un appartement 3 pièces
de 200.000 euros, l'accédant type qui paie 4.000
euros d'impôt sur le revenu par an débourse
en une fois sur l'achat de son logement 20.000 euros
d'impôt indirect (soir 5 ans d'IR) pour financer
le logement social dans le même immeuble.
Que
faire? Pas de palinodie, bien sûr, mais une pause
de plusieurs années avant toute nouvelle obligation
normative, et peut-être un examen critique de
certaines obligations trop dogmatiques et éloignées
des réalités. On peut imaginer des solutions
simples, comme exonérer de logements sociaux
les projets qui se destineraient en totalité
à du logement abordable.
Et
puis, pour être complet, il faut identifier une
cause indirecte et perverse: les hypothèques
pesant sur les projets de construction du fait des risques
de recours. Porter un terrain stérile parce qu'un
recours de tiers vient bloquer le développement
d'une opération coûte à un promoteur
des dizaines ou des centaines de milliers d'euros, selon
l'importance du programme et la durée de purge
du permis de construire. Il est clair que l'équilibre
économique des entreprises de promotion entraîne
une répercussion relative sur le prix de ce surcoût
pathologique.
Un
remède consisterait à mettre en place
une juridiction spéciale de proximité
pour examiner sans délai les recours, sur le
mode du juge des référés. De fait,
le coût de l'aléa juridique pesant sur
les programmes serait minoré ainsi que sa conséquence
sur les prix de sortie.
On
le voit, l'État a pris une part active dans l'augmentation
des prix provoquant un écart dangereux entre
les possibilités financières des ménages
et les prix proposés. Il l'a fait sans le vouloir,
animé de bonnes intentions, mais il l'a fait.
Il lui appartient, sans idéologie, sans passion,
de le comprendre et de corriger les mauvaises tendances.
Il trouvera toujours des promoteurs à ses côtés
pour s'engager dans cette entreprise réaliste
et urgente.
Par
Yoann Joubert, président de Réalités
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